Trump et Le Pen, des animaux (politiques) humains

Alors voila, après Patrick Cohen reprochant un ton de « copinage » à Karine Le Marchand concernant son émission avec Marine Le Pen, des voix parmi la presse s'élèvent outre-atlantique pour se plaindre que le « Tonight Show » avait « humanisé » Donald Trump, un « homme dangereux ». Je ne sais plus ce qui est le plus étonnant : des médias qui se plaignent de la peopolisation -qu'ils ont eux-même causée ou laissée causer en bonne partie-, ou que les gens découvrent que Le Pen et Trump sont humains ?

Premièrement, leurs apparitions croissantes et variées dans les médias viennent de logiques d'audience (#CoucouBFNTV), qui ont elles-mêmes favorisé leur « dédiabolisation », rien que par effet de simple exposition, phénomène découvert par Zajonc (au cas où vous vous demandiez, ça se prononce quelque chose comme « Zaïontce ») en 1968 : pour faire simple, plus vous voyez quelqu'un ou quelque chose, plus vous l'appréciez par le simple fait qu'il vous soit exposé (que vous le voyez régulièrement, par exemple).

Bien sûr que cette théorie a des limites, et que certains effets pervers sont possibles (comme certaines personnes qui risquent de vous « sortir par les yeux » comme on le dit communément). Mais ce qui m'étonne toujours, c'est cette espèce de peopolisation à géométrie variable, où Emmanuel Macron à la plage (comme Martine avant lui) ou Nicolas Sarkozy qui fait des déclarations en pleine conférence de presse sur le fait que Carla Bruni et lui, « c'est du sérieux », ça c'est acceptable.

Alors de deux choses : soit c'est acceptable dans tous les cas, soit ça ne l'est pas, mais je ne vois pas pourquoi il y aurait des différences. Parce que certains sont « plus dangereux que d'autres » me dira-t-on ? Mais selon qui ? Selon les médias, encore ?

Ceci m'amène au second point : ces émissions « humaniseraient » les candidats « dangereux ». Je ne vais pas dire le contraire : oui, ils sont probablement dangereux (même si, mais c'est un autre débat, d'autres individus politiques peuvent également être dangereux mais de manière plus subtiles). Mais en quoi paraître (davantage) humain et dangereux serait incompatible ? C'est un peu comme si les monstres, comme on le dit souvent concernant les dictateurs et les criminels en série, étaient sortis de l'humanité. Mais que nenni : ils sont constitutifs de celle-ci, même si la majorité des gens se concentrent dans la norme (statistique). Eh oui, Hitler, Dutroux et Trump étaient ou sont des humains. Ils ont beau être ou avoir été « dérangés », « fous » ou autres qualificatifs souvent entendus, je mets ma main au feu qu'ils mangeaient, buvaient, dormaient et avaient plein d'autres besoins naturels qu'ils assouvissaient tout comme vous et moi.

Ce qu'il faut, ce n'est pas repousser ces gens dans la case non-humains ou sous-humains : c'est complètement contre-productif. Cela ne fait qu'affirmer ce que les détracteurs savent déjà et conforter leurs supporters qu'ils sont victimes d'une cabale parce qu'ils « dérangent ». Ce qu'il faut, c'est à la fois accepter que, oui, certains de nos congénères sont déviants, mais que ça ne les empêche pas de faire partie de l'humanité et même, pour certains, d'avoir des supporters et une certaine notoriété.

Non, ce qu'il faut faire surtout, c'est combattre les Trump et Le Pen en montrant les failles, les contradictions ou l'absurdité de leurs propos et de leurs programmes. Attention, je ne nie absolument pas que certains fonctionnements psychiques, voire traits de personnalité, soient corrélés à certaines idées ou idéologies. Au contraire, même. Je pense juste que le plus pertinent, c'est d'arrêter de s'intéresser autant à la vie et à la personnalité des professionnels de la politique (et ça vaut également pour d'autres personnalités, d'ailleurs), car ce ne sont que des éléments secondaires par rapport à leurs idées et à leurs bilans politiques.

Ne soyons plus dupes ni intéressés par le storytelling de certains politiques et l'indignation sélective de certains journalistes.

Et, enfin, préférez l'originale, Martine, à la copie, Macron...